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Energiewende: folie ou succès?

 
 
En Allemagne, les grandes lignes de la transition énergétique («Energiewende») sont connues, pour la production d’électricité cela comprend :
- sortie du nucléaire ;
- croissance conséquente du photovoltaïque (PV) et de l’éolien ;
- développement de la biomasse ;
- maintien de la capacité hydraulique ;
- arrêt progressif des centrales fonctionnant au charbon et au lignite ;
- maintien du niveau de consommation à 610 TWh par un équilibre entre les usages nouveaux (pompes à chaleur, transfert vers le rail du transport aérien domestique, numérisation de l’économie, véhicules électriques, etc.) et les mesures d’efficacité énergétique.

Une stratégie ambitieuse d’efficacité énergétique a été présentée en décembre 2019 par le Ministre fédéral de l’économie. L’objectif est d’avoir réduit le besoin d’énergie primaire de 30% entre 2008 et 2030 puis de travailler à faire de l’Allemagne le champion mondial de l’efficacité énergétique d’ici 2050.

Mais c'est en mars 2011 que fut annoncée la décision la plus symbolique, lorsque la RFA a fait le choix de la fermeture progressive de ses centrales nucléaires. Le programme électronucléaire de la RDA avait été stoppé dès 1990 en raison de graves dysfonctionnements. La sortie complète du nucléaire aura signifié la perte du tiers de la production du pays (29% en 2000).

Un compromis au sujet de la sortie du charbon a été obtenu en janvier 2020, il comprend notamment l’arrêt progressif de l’extraction du lignite, de l’importation de houille et des centrales (charbon et lignite) d’ici 2038, voire 2035. Ce qui signifie la perte d’un tiers de la production actuelle d’électricité (35% en 2018, 28% en 2019).
Ce compromis intègre la mise en service d’une ultime tranche en 2020 (Datteln 4) et la poursuite de l’exploitation de mines à ciel ouvert de lignite (photo) avec de nouvelles expropriations de villages entiers et des déboisements. Ces derniers points vont très probablement cristalliser les contestations et rendre le compromis partiellement inapplicable, mais globalement la trajectoire de démantèlement de l’outil industriel assurant la production du tiers de l’électricité actuelle est actée.

D'abord très rapide, la montée en puissance des nouveaux modes de production (éolien, PV, biomasse) connait un ralentissement brutal. Ainsi le parc de 28.000 éoliennes n’a augmenté que de 278 unités en 2019 (+1.849 en 2017, +740 en 2018) ce qui est très peu au moment où 5.200 éoliennes atteignent leur 20ème (et ultime ?) année d’exploitation en 2020.
Les raisons du ralentissement sont diverses :
a) la délicate gestion de l’équilibre des réseaux électriques dans un contexte où les productions 2019 ont varié de 0 à 12 GW en 24 heures pour le PV et de 0,75 à 35 GW en 24 heures pour l’éolien terrestre en l’absence de capacités de stockage (production d’hydrogène, batteries, retenues d’eau, air comprimé, etc.) qui sont techniquement possibles mais qu’aucun opérateur économique ne peut financer ;

b) la prudence des investisseurs qui se heurtent à diverses difficultés telles que la baisse drastique des prix de rachat, les mouvements de protestation contre l’implantation des champs d’éoliennes à proximité des habitations, les obligations de protection des sites naturels et de la faune sauvage, le renforcement des normes techniques, la gestion de la fin de vie des installations de première génération, l’enclavement des nouveaux sites potentiels situés en terrain vallonné voire montagneux et nécessitant d’important travaux de déboisement puis de génie civil pour les accès et le raccordement au réseau électrique ;

c) une tension à propos de l’utilisation des surfaces agricoles, en particulier pour le PV et les monocultures destinées à l’approvisionnement de la filière biomasse ;

d) des conflits d’usage à propos du développement de l’éolien offshore ;

e) l’important retard pris pour raccorder le Nord venteux au Sud industriel par des lignes à très haute tension (à ce stade, 1.100 km de lignes réalisées sur 7.000 km planifiées) ;

f) la recrudescence des périodes de prix négatifs à la bourse de l’électricité EEX en 2019*.

Dans le même temps, la perspective d’utiliser davantage de gaz naturel pour les process industriels (industrie chimique, métallurgie) comme pour les centrales électriques à gaz, capables d'un démarrage rapide pour s’adapter à l’intermittence du vent et du soleil est remise en cause par les sanctions décidées en décembre 2019 par le président des États-Unis contre les entreprises participant à la pose du gazoduc Nord Stream II en mer Baltique.

L’audace d’un gouvernement qui a décidé de dévaloriser brutalement des actifs qui bénéficiaient d’autorisations d’exploitation en indemnisant les propriétaires, de financer les renouvelables par une fiscalité lourde pesant sur les consommateurs et de parier sur des gains très significatifs d’efficacité énergétique conduira le pays soit à de graves difficultés (ruptures d’approvisionnement ou/et appel à la solidarité européenne) soit à la démonstration d’une témérité politique et d’un pari technologique remarquables.

* source : Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH, "Die deutschen Strompreise an der Börse EPEX Spot in 2019 - Analyse des Preisniveaus und der Preisschwankungen (Preisspreads)“.
 
[17 janvier 2020]
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